Le tableau de Friedrich Bouterwerk

Le Camp du Drap d’Or est une œuvre de Friedrich Bouterwek, peintre allemand spécialiste de la peinture d’histoire installé à Paris. En 1845, le roi Louis-Philippe lui commande une copie d’un tableau anonyme du XVIème siècle peint à plusieurs mains qu’il a pu admirer au château d’Hampton Court lors de sa visite à la reine Victoria d’Angleterre l’année précédente. Dans ce contexte de 1845, l’entrevue du Camp du Drap d’Or est désormais présentée comme l’un des symboles des relations pacifiées entre la France et l’Angleterre au moment où Louis-Philippe entend promouvoir l’Entente cordiale avec la « perfide Albion », nom péjoratif donné à l’Angleterre dès le XVIIème siècle.

 

L’entrevue du camp du Drap d’Or se déroule en 1520, alors que l’Europe est en proie aux guerres nourries par la rivalité entre le Habsbourg Charles Quint, qui règne sur le Saint-Empire et les Espagne, et le Valois François 1er, souverain du plus puissant royaume du continent. L’Angleterre d’Henri VIII n’est alors qu’une puissance secondaire. Toutefois, le Tudor déploie une habile politique internationale pour se présenter en arbitre de l’Europe et récupérer une partie de son « héritage d’outre-manche ». Il s’allie fréquemment à Charles Quint contre la France, tout en négociant avec François 1er. En 1519, il propose à ces derniers un projet de paix universelle pour organiser une croisade contre les Turcs. Henri VIII rencontre l’empereur en mai 1520 en Angleterre. Il fait de même avec François Ier du 7 au 24 juin 1520, entre Guînes et Ardres, aux confins du royaume de France, dans l’enclave anglaise de Calais. C’est la célèbre entrevue du Camp du Drap d’Or.


Interprétation

Les résultats diplomatiques de cette rencontre furent maigres. Dès 1522, la guerre reprend entre François Ier et Henri VIII. Cette rencontre visait cependant moins à faire la paix qu’à glorifier le prince anglais. Dans l’Europe de la Renaissance, l’Angleterre était encore perçue comme un royaume culturellement et politiquement secondaire. Le Camp du drap d’or a été l’occasion pour Henri VIII d’exposer aux yeux de tous la puissance de sa dynastie et de son pays en se confrontant symboliquement à François Ier par l’entremise de divertissements raffinés et coûteux. Cette toile, dont l’original a été commandé à la fin du règne d’Henri VIII, affirme que si les deux rois se sont livrés bataille de magnificence, c’est bien le Tudor qui l’a emporté. L’abondante production de sources louangeuses dans toute l’Europe atteste du succès de l’opération de communication politique qu’a été le Camp du Drap d’Or.


Analyse du tableau de Friedrich Bouterwerk

L’entrevue du Camp du drap d’or représente les deux semaines passées par les rois dans le Val d’Or en juxtaposant des scènes qui se sont déroulées en des lieux et des temps différents.

 

La partie gauche du tableau représente le cortège d’Henri VIII entrant dans le château de Guînes, le 5 juin 1520. Le roi vêtu d’or se distingue des autres personnages par sa taille. Sa suite compte plus de 3.000 personnes dont le Cardinal Wolsey, principal négociateur de la paix.

 

Au centre de la toile figure une représentation du palais éphémère érigé à côté du château de Guînes et dans lequel Henri VIII a résidé durant l’entrevue. Ce palais, de style en partie italianisant est une véritable prouesse technique et artistique, son architecture mêlant brique, bois, tentures et verre. À l’arrière-plan, les luxueux pavillons installés à Ardres et dans lesquels résident François Ier et les 3.000 Français font, selon les contemporains, pâle figure à côté du palais d’Henri VIII. Le pavillon doré est celui dans lequel François Ier accueillit Henri VIII le 7 juin. Quant au double-pavillon doré situé à équidistance du camp français et du palais anglais, il est le lieu des rencontres diplomatiques quotidiennes.

 

La toile montre, toutefois que les divertissements occupent l’essentiel du temps des souverains et de leur cour, qu’il s’agisse de joutes (en haut à droite), de banquets (au centre et à droite), de mascarades ou de feux d’artifice, comme ce dragon (en haut à gauche) que les Anglais envoyèrent dans le ciel le 23 juin, après la messe de clôture de la rencontre, célébrée par le Cardinal Wolsey en présence des deux souverains.

 

Cette entrevue est le fruit du travail de plusieurs milliers d’artisans et de serviteurs, qu’on voit s’afférer sur la toile, tels ces cuisiniers au second plan à droite. Le tableau met également en scène la foule venue au Camp du Drap d’or pour admirer les tentes, assister aux divertissements et profiter des faveurs comme ces fontaines à vin au premier plan.

 

 Olivier SPINA

Agrégé d’histoire, ATER à Paris IV Sorbonne