Le Camp du Drap d'Or

L’entrevue du Camp du Drap d’Or se déroula du 7 au 24 juin 1520. Cette rencontre est l’aboutissement de deux années de négociations entre François Ier et Henri VIII afin de conclure un accord de paix ainsi qu’une promesse de mariage entre le Dauphin François de France et Marie Tudor, fille d’Henri VIII.    Il n’en fut rien....

 

 

Du côté français, c’est à Guillaume de Seigne, le trésorier et receveur général ordinaire de l’Artillerie du roi, supervisé par Galiot de Genouillac, le grand maître de l’Artillerie, que fut déléguée la charge de la fabrication et du transport des tentes et pavillons jusqu’à Ardes (1). Les dépenses pour la construction et l’acheminement des tentes françaises peuvent être estimées à 206.552 livres tournois (2).

Les comptes français sont en monnaie de Tours (une livre vaut 20 sous et 1 sou vaut 12 deniers). 10 livres de Tours sont alors équivalentes à une livre sterling. Une livre de Tours valait environ 2 shillings anglais. Une telle somme d’argent put être mobilisée notamment par les recettes des trésoriers généraux des finances.

 

 

Concernant les paiements liés à l’approvisionnement en nourriture pour les banquets de 1520, c’est le conseiller du roi et maître de la Chambre aux deniers, Sébastien de Mareau qui en tint le compte. Il s’agit encore ici d’un compte particulier (comme celui de Guillaume de Seigne). La dépense totale fut de 30.484 livres 10 sols 5 deniers tournois. Afin d’amortir davantage les dépenses, François 1er effectua un emprunt de 100.000 écus d’or sur la place lyonnaise. En tant qu’emprunteur sur le marché financier, le roi met en avant des agents qui ont sa confiance et qui servent de garants pour les prêts qui sont sollicités. Leur intervention vise à assurer les prêteurs contre les risques encourus.

 

 

Concernant les dépenses anglaises, Robert Fowler, trésorier de Calais, fut chargé par Vaux et Belknapp de payer la main d’œuvre ainsi que le transport des matériaux à Guînes. On retrouve certaines dépenses dans les comptes de Calais. Fowler tint le compte du 12 mars au 6 mai ce qui correspond à la période globale du travail des artisans dont la dépense fut de 4.079 livres 1 sols. Mais ceci ne constitue qu’une partie des dépenses. En effet, nous trouvons également les détails des paiements dans les comptes du roi Henri VIII, qui s’élèvent pour les artisans à 966 livres 13 sols 4 deniers tournois et pour les matériaux à 7.388 livres 4 sols Tous ces comptes ont été répertoriés dans le Revels Office, bureau des dépenses, géré par le maître Henri Guildford. Edward Guildford, maître de l’Armurerie d’Henri VIII, tint le compte des dépenses concernant les chevaux et matériels fournis à l’Armurerie du roi pour les joutes.

 

 

Richard Gibson s’occupa du compte des dépenses (Revels) concernant également les joutes et les mascarades à Guînes, qui consistent essentiellement en des dépenses vestimentaires. Les dépenses de la Maison royale (Household) sont liées notamment à la nourriture mais aussi à la Garde Robe. Une estimation des dépenses de la Household durant le séjour du roi et de la reine à Guînes pour le Camp du Drap d’Or et lors de la rencontre avec Charles Quint à Gravelines, du 31 mai au 16 juillet fut de 7.633 livres sterling, mais la dépense totale fut bien supérieure : 8.839 livres 2 sols et 4 deniers tournois.

Rapidement des problèmes d’organisation apparurent et Wolsey demanda à reculer l’entrevue de quelques jours, vers la mi-juin. Sont invoquées des difficultés de transport et d’approvisionnement. La dépense matérielle fut grande en raison de la distance à laquelle les matériaux furent acheminés et du court délai dont disposaient les artisans.

Cette mise en perspective globale de la gestion de l’entrevue nous amène à nous interroger sur chacune de ses particularités ; et en premier lieu sur l’édification des campements anglais et français. La construction des campements ainsi que la mobilisation d’artisans et d’artistes font l’objet de mon second développement.

 

 

 


L’édification du Camp du Drap d’Or : matériaux et artisans

C’est dans les comptes de la commission de Guillaume de Seigne, le trésorier et receveur général de l’Artillerie du roi, que l’on retrouve les dépenses occasionnées lors de l’édification du Camp du Drap d’Or. Après ces quelques pages de recettes, ce sont les dépenses qui sont énumérées (achats de matériaux et paiements d’artisans). On y trouve le nom de la personne créditée, ouvrier ou fournisseur, la nature du service fourni (journée de travail, fourniture de matériaux), la quittance authentifiant le paiement et le montant de la somme versée. Les dépenses suivent un ordre thématique (par type de matériaux achetés, par catégorie d’artisans et montant du salaire). Chaque catégorie est classée de façon chronologique (par semaine d’achat ou de travail).

 

 

C’est à Tours, dans le Val de Loire, lieu de prédilection de résidence royale, que les tentes furent construites et assemblées. Pour les camps anglais et français, les tentes furent construites essentiellement en canevas et en bois, puis couvertes de soie et de fils d’or et de soie.

 

Plus de 35.000 aunes de canevas furent nécessaires pour le camp français. Les achats débutèrent dès le mois de février 1520. Les matériaux nécessaires à la construction du campement furent acheminés depuis divers endroits plus ou moins éloignés. Nicolas Allement fut payé 1.500 livres tournois pour plusieurs voyages effectués en divers endroits d’Italie (Florence, Milan) pour l’achat de fleurs de lys d’or, de drap d’or et de soie. Les bois de pin, de chêne, de noyer et de sapin utilisés pour la construction des mâts furent acheminés depuis l’Auvergne et le Forez. Le transport des tentes et pavillons jusqu’au lieu de l’entrevue demanda une organisation minutieuse. Les tentes furent emballées dans des couches de serge afin de ne pas les abîmer durant les trajets en charrettes et sur les chevaux.

Les artisans du luxe sont au service de la glorification du roi. Certaines étoffes constituent des objets de grand prix dont la fabrication est confiée aux meilleurs ouvriers spécialisés du royaume. Les ouvriers mobilisés pour le Camp du Drap d’Or furent essentiellement des fabricants de tentes mais aussi des charpentiers, des menuisiers et des forgerons. Ceux-ci sont payés à la journée de travail entre 3 sols et 20 sols par jour en fonction de leur qualification.

Dessin des tentes anglaises (British Library Shelfmark Cotton Ms Augustus III.18)
Dessin des tentes anglaises (British Library Shelfmark Cotton Ms Augustus III.18)

Ces salaires correspondent globalement avec ceux en vigueur sur le marché du travail en 1520. Il n’y a pas réellement de différence de salaire entre la spécialité de l’ouvrier (charpentier ou menuisier par exemple). Par contre, deux groupes apparaissent selon le niveau de qualification de l’artisan : les maîtres et compagnons d’un côté et les aides ou manouvriers de l’autre. Les premiers gagnaient le double des seconds.

À la mi-avril 1520, 139 fabricants de tentes (tentiers) et couturiers furent mobilisés, certains d’entre eux ayant commencé à travailler depuis le mois de février. Cinq maîtres vinrent de Lyon afin de travailler à la fabrication des tentes. Ils furent payés à la journée de travail (20 sols de Tours par jour).

Les ouvriers ordinaires ne travaillèrent que pour 5 sols de Tours par jour. À la mi-mai, une partie des travailleurs dont quatre des maîtres fabricants de tentes se rendit plus au nord pour travailler près d’Ardres.

De nombreuses femmes étaient employées à la fabrication des draps et aux soieries depuis le Moyen Âge. Aux XVème et XVIème siècles, toute grande fabrique de soieries avait à la fois des équipes d’hommes et de femmes, celles-ci employées à des travaux spéciaux tels que le dévidage et le doublage. Une forte inégalité des salaires entre hommes et femmes est à mettre en relief. Le salaire minimal reste à 3 sols par jour quel que soit le sexe du travailleur. Par contre, aucune femme ne fut payée plus de 6 sols et 8 deniers par jour. Cela souligne le fait que les métiers les plus qualifiés et prestigieux comportant de plus grandes responsabilités, comme celui de maître tentiers, étaient évidemment réservés aux hommes.

Les charpentiers gagnèrent entre 5 sols et 7 sols 6 deniers tournois par jour en travaillant sous les ordres du maître charpentier Alain Poulet. Notons que le métier de charpentier, comme celui de menuisier, est ici exclusivement masculin. En effet, on ne retrouve aucune mention de femme ayant exercé le métier de charpentier dans les comptes de Guillaume de Seigne.

Les menuisiers furent rémunérés entre 5 sols et 7 sols 6 deniers par jour. Le maître menuisier Jehan Primeau dirigea les opérations de fabrication des tentes à Tours, Boulogne-sur-Mer et Ardres du 1er mars au 15 juin 1520 et fut payé 7 livres 10 sols par mois. Les artisans furent payés pour la majorité, 6 sols par jour.

Les forgerons utilisèrent quatre forges situées dans la cour de l’archevêché de Tours. Nicolas Aucher, maître forgeur du roi, fut payé 24 livres tournois pour avoir fait construire ces quatre forges. Les forgeurs travaillèrent de mars à juin 1520 et furent payés entre 4 sols 8 deniers et 7 sols 6 deniers par jour. Ils s’occupèrent essentiellement aux ferrures des mâts, des tentes et pavillons.

 

 

Entrevue du camp du drap d'Or (Auguste Debay 1837)
Entrevue du camp du drap d'Or (Auguste Debay 1837)

Les décorations des tentes et pavillons prirent une part importante des dépenses. Les métiers de peintre et sculpteur étaient des métiers prestigieux plus chèrement rémunérés que ceux de charpentier ou de forgeur, la plupart n’étant pas payés à la journée de travail mais à la pièce réalisée. De nombreux peintres et sculpteurs se mirent à l’ouvrage afin de créer le plus beau campement possible. Ainsi, Guillaume Arnoult, tailleur, fut payé 70 livres tournois pour la statue de Saint-Michel de six pieds de haut (un pied correspond à environ 30 cm) qu’il réalisa en bois de noyer, destinée à venir surmonter le pavillon de François 1er. Jean Bourdichon, peintre du roi, fut payé la somme de 1.070 livres 6 sols 8 deniers tournois pour les dorures de la statue de Saint-Michel et celles du serpent et de la pomme se trouvant à ses pieds.

L'entrevue de François Ier et d'Henry VIII (Estampe)
L'entrevue de François Ier et d'Henry VIII (Estampe)

Le campement d’Ardres se composa d’environ 300 à 400 tentes, richement décorées aux armes de leurs propriétaires. Les sources comptables combinées aux descriptions textuelles et aux représentations artistiques du Camp du Drap d’Or nous donnent une idée de l’étendue et de la magnificence du campement français. Le pavillon de François 1er, haut de 120 pieds, était supporté par de grands mâts dont la taille correspondait à celle des mâts utilisés pour la construction des bateaux de 400 tonneaux. Ce pavillon d’une largeur de 16 pas (1 pas = 0,62 m) était entouré d’une galerie de huit pas de large. 15 petits pavillons se tenaient à 50 pas du groupe central. Toutes les tentes et pavillons furent décorés de pommes d’or et de bannières aux armes royales. La reine de France, la reine mère et les grands nobles possédaient eux aussi leurs propres tentes et pavillons.

 


Politiquement vôtre....

Approbation des lieux et dates du Camp du Drap d'Or
Approbation des lieux et dates du Camp du Drap d'Or

Après les rencontres préliminaires, où les envoyés spéciaux des deux royaumes conviennent des protocoles des cérémonies (mais aussi d'un possible mariage entre la fille de Henri VIII, Marie, alors âgée de quatre ans et le dauphin de France qui lui, est âgé de trois ans !), les deux rois se rencontrent pour la première fois le 7 juin 1520, date à partir de laquelle se succèdent fêtes, tournois et dîners réunissant les pairs des deux royaumes. Parés de leurs plus beaux atours, François Ier et Henry VIII se témoignèrent une chaleureuse amitié. Les banquets succédèrent aux joutes, on donna une messe à laquelle les deux souverains assistèrent côte à côte au son des chants religieux scrupuleusement répartis à égalité entre chants français et chants anglais. C'est une véritable Cité qui est organisée pour l'occasion entre les deux villes frontalières d'Ardres la française, et de Guînes l'anglaise, où les tentes, par centaines recouvertes d'étoffes brodées au fil d'or, laissent apparaître au spectateur un vaste "champ de drap d'or", que l'histoire retiendra sous le nom de Camp du Drap d'Or. Le Roi de France avait installé sa tente royale de drap d'or près des marais d'Andres. A Guînes, fief anglais, Henry VIII avait fait bâtir le palais de Cristal, un édifice original de bois et de verre aux couleurs des Tudor, le "palais de cristal", long de cent mètres et haut de quarante. Quant au pavillon du roi François 1er, il est "aussi haut que la plus haute tour connue".

 

 

Tapisserie montrant Le Camp du Drap d’Or, la rencontre entre François Ier et Henry VIII
Tapisserie montrant Le Camp du Drap d’Or, la rencontre entre François Ier et Henry VIII

Charles Quint a le prestige du titre d'empereur, l'autorité sur des territoires immenses (Pays-Bas, Allemagne, royaume de Naples, Espagne), et une puissance financière considérable grâce à ses royaumes espagnols (Castille, Aragon et partie espagnole de la Navarre) qui lui permettent d'envisager une politique ambitieuse. Sa faiblesse réside dans la multiplicité des territoires qui sont les siens, qui complique considérablement leur administration.

A l'inverse, la densité et la cohérence du royaume de France font la force de François Ier qui ne peut toutefois que se sentir encerclé par son puissant voisin.

Ce qui peut faire basculer le rapport de force, c'est l'intégration dans le jeu d'un troisième acteur. Et c'est très clairement la carte dont dispose l'Angleterre. Il lui faut être le chacal qui pousse à l'affrontement les deux grands prédateurs en espérant pouvoir ensuite s'emparer des miettes du combat.

 

 

Ratification Mariage Camp Drap d'Or
Ratification Mariage Camp Drap d'Or

En fonction des moments, le cœur anglais balance du côté français ou du côté impérial.

Au moment de la rencontre du Drap d'or, au mois de juin 1520, les Anglais, par la voix de Thomas Wolsey, le principal ministre d'Henri VIII, tâtonnent et jouent sur les deux tableaux, avec sans doute dès le départ l'idée que l'alliance à privilégier est l'alliance impériale. La raison en est simple : ce qu'Henri VIII vise, c'est la conquête de morceaux de territoires du royaume de France, notamment autour de Calais (seule possession anglaise en France). Il ne peut rien récupérer en revanche du côté impérial, car il n'a pas de base arrière dans les Flandres. A cela s'ajoute le fait que les Pays-Bas ; alors sous la domination de Charles Quint ; sont, pour des raisons notamment économiques, les alliés traditionnels de l'Angleterre. Les drapiers flamands transforment en effet la production lainière anglaise en tissus de qualité.

 

 

Ah ... l'entente franco-anglaise ne passera que par le plaisir ! François Ier se laisse aller à accepter une lutte avec son égal. C'est énorme. L'un et l'autre sont des gentilshommes de la Renaissance, intelligents, cultivés, charmeurs et sportifs. D'un croc en jambe adroit qui jette le roi d'Angleterre sur le sol devant une foule médusée, François 1er tient son orgueil au beau fixe mais ruine du même coup les efforts accomplis durant ces trois semaines pour obtenir un rapprochement avec l'Angleterre.

L'honneur de chacun des pays est sauf. L'on a prétendu que, défait lors de la lutte à mains nues qu'il avait proposée à François Ier, Henri VIII, humilié, aurait pris la décision de s'allier à l'empereur. Les jeux étaient en réalité déjà faits. Mais les souverains anglais et français avaient résolu de montrer la grandeur de leur pays.

La diplomatie a ses secrets que les rois ont parfois eu du mal à accepter. Henri VIII, forcément vexé, s'en est allé le 18 juillet dans son royaume, sans avoir concédé à la France cette alliance tant espérée. Bien au contraire. Avant son départ, il rencontre l'empereur d'Autriche Charles-Quint qui parviendra à s'assurer l'appui de l'Angleterre dans les conflits continentaux à venir. Les hostilités entre les trois protagonistes s'engagent en 1522. Voilà à quoi tiennent la paix et la guerre au XVIème siècle. Une armée anglaise s'ébranle de Calais. La première ville française qu'elle assiège et incendie est... Ardres

Le royaume de France sera désormais entouré d'ennemis. François Ier enrage.

Si le Camp du Drap d’Or fut un échec sur le plan politique, tout ne fut pas perdu. C’est ainsi que dès le 5 juillet 1520, le maître de l’Artillerie de François 1er, Jacques de Genouillac décida de fortifier la ville d’Ardres en récupérant en partie le bois de chêne et de sapin des pavillons du Camp du Drap d’Or afin de contrer une possible menace impériale. Le bois des tentes et pavillons français fut d’ailleurs réutilisé plus tard pour les besoins de l’Artillerie française. Loys Desgreville, lieutenant du maréchal de Châtillon à Ardres, reçut plusieurs bois de chêne et de sapin pour servir également aux réparations et fortifications de la ville d’Ardres. Lionel Ploton, garde des munitions d’artillerie à Troyes, récupéra également des matériaux qui servirent aux guerres en Champagne contre l’Empereur et ses alliés.

 

 

Quant aux tissus précieux, ils furent eux aussi récupérés en partie par Michel Cosse, un marchand fileur de soie demeurant à Tours, qui les stocka dans une pièce du château de Tours et eut pour mission de les revendre. Plusieurs nobles français, le duc d’Alençon, le bâtard de Savoie, Guillaume Gouffier de Bonnivet, le duc de Montmorency, le chancelier Antoine Duprat, Jacques de Beaune, chevalier et seigneur de Semblançay, reçurent de Guillaume de Seigne une grande tente de toile double. Enfin, la mère du roi fut autorisée à récupérer les décorations qui lui plairaient.

 

 

Malgré l’inutilité diplomatique de cette rencontre, le Camp du Drap d’Or a été célébré à travers les arts, les récits, les poèmes et la peinture, comme un événement extraordinaire du XVIème siècle. Prenons l’exemple du bas-relief de l’Hôtel de Bourgtheroulde à Rouen réalisé quelque dix ans après le Camp du Drap d’Or, qui l’illustre tel qu’il est censé s’être déroulé. Il fait partie des nombreuses œuvres d’art réalisées après la célèbre rencontre.

 

Ce n’est pas le résultat diplomatique de l’événement qui a été retenu mais l’incroyable déploiement de richesse et de faste qui s’y déroula au service de la gloire des rois - une magnificence que l’on ne peut appréhender efficacement que par l’étude des hommes qui la créent : les artistes et artisans.

 

 

Il y a neuf rôles de dépense, certifiés par le maître de l'artillerie, Jacques Galiot de Genouillac, qui a un pouvoir analogue à celui de Semblançay.

Les ouvriers commencent leur travail à Tours, le 26 février, dans la grande salle de l'archevêché ; deux forges sont établies dans la cour, pendant deux mois.

Fer, acier, toiles, rubans, filets, bougran, futaine ; bois de sapin, noyer et chêne ; cordages, satins, taffetas, franges de soie et laine, toile de Hollande, dont plus de 35.000 aunes (3) de canevas (4) furent nécessaires pour le camp français. Les achats débutèrent dès le mois de février 1520.

  • Toiles, rubans, filets, bougran et futaine : 9.724 livres 4 sols 1 denier tournois.
  • Bois de sapin, noyer et chêne : 1.435 livres 15 sols.
  • Cordages, sangles et attaches de cuir : 2.068 livres 2 sols.
  • Satins, taffetas, franges de soie et laine, toile de Hollande, fer et acier : 6.808 livres 12 sols. 3 deniers tournois.
  • , etc.

466 chevaux sont les dans les élections de Chartres, Orléans, Vendôme, Châteaudun et Tours, pour mener les tentes à Ardres (11-25 mai), où l'on établit le camp.

Les dépenses pour la construction et l’acheminement des tentes françaises peuvent être estimées à 206.552 livres tournois; soit aujourd’hui une somme de près de 17.521.316,53€.


1. Ardes est une commune française située dans le département du Pas-de-Calais.

2. La livre tournois, qui apparaît en France au XIIIème siècle, est l'unité de compte qui prévaut tout au long du Moyen Âge.

3. Aune : Ancienne mesure de longueur française, utilisée surtout pour mesurer les étoffes, et qui valait, selon les régions, de 0,676 m à 1,118 m.

4. Canevas : Très grosse toile écrue, de lin, de chanvre ou de fil d'étoupe.


Bilan de cette rencontre

François Ier et Henry VIII sont deux personnages hors-normes, au caractère bouillant, à la stature imposante (plus de 1,80m pour l'Anglais et près de 2,00m pour le Français) et à l'égo tout aussi démesuré. Henry VIII est resté célèbre notamment pour ses six mariages, sa rupture avec le Vatican et sa paranoïa qui lui fit exécuter deux de ses épouses (Anne Boleyn et Catherine Howard) et de nombreux rivaux.

 

Les deux monarques partagent une même passion pour le sport et les arts. Mais malgré les efforts de courtoisie déployés par François Ier qui va jusqu'à tendre sa chemise à Henry VIII un matin au réveil, ils ne parviennent pas à s'entendre. Tout se serait gâté lorsque que les deux rois se sont défiés amicalement lors d'un combat de lutte à mains nues. François Ier prend le dessus sur Henri VIII et le jette au sol. Celui-ci en prendra ombrage et ne signera pas de traité d'alliance.

 

Selon une autre version de l'événement, Henry VIII n'aurait jamais eu l'intention de s'allier à François Ier. Conseillé par le cardinal Wolsey, il aurait reçu Charles Quint en Angleterre un mois avant le Camp du Drap d'Or. Deux semaines à peine après sa rencontre avec le roi de France, le roi d'Angleterre scellera en secret un pacte à Gravelines avec le jeune Empereur. Une alliance qui sera confirmée lors du traité de Bruges de novembre 1521.

 

Privé du soutien de l'Angleterre, François Ier va subir les offensives de Charles Quint dans le nord-est de la France et en Italie. En 1522, il perd le Milanais. La même année, Henry VIII déclare à son tour la guerre à la France et ses troupes attaquent Morlaix et Hesdin avant de regagner Calais.

 

 

Bataille de Pavie Tapisserie du musée Capodimonte-Naples (1525)
Bataille de Pavie Tapisserie du musée Capodimonte-Naples (1525)

Trois ans plus tard, en février 1525, François Ier est fait prisonnier lors de la bataille de Pavie, en Italie. Charles Quint le gardera en détention près d'un an en Espagne jusqu'à la conclusion du traité de Madrid de janvier 1526 qui contraindra la France à céder le Duché de Bourgogne (les états bourguignons refuseront toutefois cette nouvelle tutelle). Le roi de France ne sera libéré qu'en échange de ses deux fils, François et Henri.

 

En 1527, François Ier et Henry VIII se réconcilient et signent enfin un traité d'alliance à Westminster contre Charles Quint. Le roi d'Angleterre répond en fait à l'appel du pape Clément VII qui souhaite stopper l'invasion de l'Italie par les troupes de l'Empereur.

François Ier et Charles Quint décideront d'une trêve à Cambrai en 1529 avec la signature de « la Paix de Dames » : le roi de France acceptera d'épouser une sœur de Charles Quint, récupérera ses fils moyennant rançons et conservera la Bourgogne. Mais il devra céder en contrepartie l'Artois et les Flandres et renoncer à l'Italie. Les deux souverains reprendront encore les armes en 1536 puis en 1542, Henry VIII choisissant de s'allier de nouveau à Charles Quint. L'Empereur et le roi de France ne s'entendront sur une paix définitive que lors du traité de Crépy-en-Laonnois ratifié en 1544.

Portrait de Louise de Savoie, mère de François Ier (École De Jean Clouet fondation Bamberg Toulouse)
Portrait de Louise de Savoie, mère de François Ier (École De Jean Clouet fondation Bamberg Toulouse)
Marguerite d’Autriche vers 1518 (Bernard van Orley huile sur bois Monastère Royal de Brou)
Marguerite d’Autriche vers 1518 (Bernard van Orley huile sur bois Monastère Royal de Brou)


Le grand sceau de France représente la majesté royale : sous un dais fleurdelysé, le souverain, coiffé de la couronne royale ouverte et elle aussi fleurdelysée, est assis sur son trône, les pieds reposant sur les corps de deux lions couchés. Il tient en main droite son sceptre, terminé par une boule (symbole de commandement) et, en main gauche, une main de justice.