Histoire de Guillaume de Seigne

La famille de Seigne ne figure pas dans l'histoire nobiliaire de Touraine. Guillaume, le premier que nous connaissions, est qualifié dans les actes tantôt écuyer, tantôt noble homme, ce qui indique une très petite noblesse, à peine sortie de la bourgeoisie. Son origine est inconnue. Cependant,on serait porté à croire qu'il descendait de Baldesac de Seigne, dont le nom figure sur la liste des ouvriers appelés de Lyon, en 1470, pour créer à Tours une manufacture de soieries. Beaucoup de ces ouvriers étaient Italiens, et ce pourrait être le cas de Baldesac de Seigne, dont le prénom n'a point une forme française. Quoi qu'il en soit, on peut penser qu'il prospéra dans la soierie et put acheter à son fils une charge dans l'administration de l'artillerie. Celui-ci, par son intelligence et son entente des affaires, serait arrivé à la position élevée où nous le trouverons en 1513. C'est ainsi, du reste qu'ont marché et progressé nos grandes familles financières de Touraine, les de Beaune, les Berthelot, les Bohier, les Briçonnet etc.

 

La première mention de Guillaume de Seigne jusqu'ici connue ne remonte pas au delà du 10 février 1513, jour où il assiste, comme témoin, Thomas Bohier, dans la prise de possession de la seigneurie de Chenonceau que ce dernier venait d'acquérir. Ceci semble indiquer une liaison déjà ancienne avec cet homme de finances, grand ami des arts, que devait illustrer la construction du château actuel de Chenonceau. Guillaume de Seigne prend dans cette circonstance son titre de trésorier receveur général de l'artillerie. Il est arrivé au sommet de sa carrière, dont nous ignorons les débuts.

 

Les Heures de Guillaume de Seigne

Le manuscrit Harley 2969 de la British Library, un Livre d'heures dont la décoration est attribuée au Maître de Spencer 6, fut exécuté vers 1508 à l'occasion du mariage de Guillaume de Seigne et de Claudine Fortier. Plusieurs inscriptions nous renseignent, dont celle du f. 156 (lecture catalogue en ligne de la BL) :

 

Le lundi vingthuitiesme jour daoust lan mil cinq cens et huit furent espousez en leglise parroichiale de blere guillaume de seigne tresorier de lartillerie et Claudine Fortier fille de monseigneur le tresorier maistre Florimont Fortier,

 

Au reste les naissances et baptêmes de leurs enfants entre 1514 et 1528 y ont été inscrits aux f. 156-159.

Par ailleurs :

A damoyselle Anne de Seigne dame de Beauchesne (?) et de Boyspateau (f. 1v).

 

Par la suite le manuscrit échut à une famille Vasselin, sans doute alliée au de Seigne, puisqu’occupant le même fief à Bléré :

 

Le lundi XXVIIème jour de octobre mil cinq cens soixante sept une heure apres mynuict nasquit Alexandre Vasselin et furent ses parains Iacques Chappeau sr du grend goustan pres seymes et Pierre Regnault sr de la Bochestiere : et marayne Claude Dargy dame de mesvre et fut baptize en leglise de blere et nasquit A Boys pateau (f. 2); autres notes sur les Vasselin (aux f. 158v-161v.)

 

Inscription du XVIème s. : Ces heures apartiene a Mademoiselles decorat////// (f. 2).



BLASON DE GUILLAUME DE SEIGNE

d'Azur à trois quintefeuilles d’argent, posées 2 et 1

 

BLASON DE CLAUDINE FORTIER 

d'Azur, au chevron d’or accompagné de trois fers d’épieux d’argent.


NOTA:

Ces blasons ont été reconstitués à partir d'un décor en bas de page du "livre d'heures" concernant Guillaume de Seigne et confirmés par l'Armorial Général de Touraine pour Claudine Fortier. La sculpture des deux 1/2 agrafes de la porte de la chapelle en est une confirmation.



MAÎTRE DE SPENCER 6

Ecole française

Actif vers 1490-1510

BIOGRAPHIE :

Enlumineur. Actif à Bourges. 'Le Maître de Spencer 6 a été nommé d'après son manuscrit le plus richement enluminé, un livre d'heures à l'usage de Rome (New York, Public Library, Spencer 6). Son œuvre conservé consiste essentiellement en des livres d'heures datables de 1490 à 1510 environ. L'influence stylistique de Jean Colombe, actif de 1463 jusqu'à sa mort avant la fin de 1498, et sa collaboration avec l'atelier tardif de celui-ci ainsi qu'avec d'autres artistes berrichons indiquent la région de Bourges comme centre d'activité : vers 1495-1500, le Maître de Spencer 6 collabore avec l'équipe Colombe dans une Histoire de la destruction de Troie la grand (Paris, BnF, N. a. Fr. 24920) ainsi que dans un Mansel de l'amiral Louis de Graville (Paris, BnF, Fr. 53) ; vers 1500 il peint un livre d'heures à l'usage de Rome dont le calendrier fut exécuté par un suiveur de Jean de Montluçon (Paris, BnF, N. a. Lat. 3116), et on retrouve sa main dans un livre d'heures à l'usage de Bourges peint par deux artistes berrichons, où il contribue par une petite miniature en tête d'une prière ajoutée (Londres, British Library, Harley 2919, f. 19).

 

La connaissance du Berry du Maître de Spencer 6 est démontrée également par les vues exactes du château de Mehun-sur-Yèvre dans son manuscrit éponyme. Pour les rapports entretenus par la clientèle troyenne avec les libraires et les enlumineurs de Bourges, le Maître de Spencer 6 prend le relais de Jean Colombe, comme le montre un livre d'heures à l'usage de Troyes peint vers 1500 (Paris, bibliothèque de l'Arsenal, ms. 651).

 

Un livre d'heures imprimé à Paris vers 1497 par Guillaume Eustace qu'il enrichit de miniatures suggère un lien avec le marché des livres dans la capitale (San Marino, Huntington Library, Mead 4683 = Rare Books 88370). L'enlumineur berruyer s'inspire du Tourangeau Jean Poyer à l'occasion de sa collaboration au Missel Lallemant vers 1500 dont on ressent l'influence à la fois dans le choix de couleurs violentes et dans les compositions d'une certaine grandeur monumentale (New York, Pierpont Morgan Library, M. 495).

 

Un livre d'heures à l'usage de Rome peint pour Guillaume de Seigne, seigneur de Bléré, trésorier de l'artillerie, et Claudine Fortier, mariés en 1508 (Londres, British Library, Harley 2969), ainsi que deux exemplaires d'une traduction de Xénophon exécutés expressément après 1508 (Paris, BnF, Fr. 701 ; Londres, British Library, Royal 19 C VI) fournissent une date post quem pour la mort de l'artiste.

 

L'enlumineur anonyme est peut-être à identifier avec un certain Laurent Boiron que Jean-Yves Ribault a relevé dans les archives comme étant actif à Bourges entre 1480 et 1510 et qui, vers la fin de sa vie, était parfois qualifié de libraire.